Un premier article pour les lettres de A à M puis, ici, la suite de cet abécédaire du GR34 réalisé en 50 étapes entre le 17 novembre 2024 et le 29 mai 2025 entre Saint Nazaire et Le Mont Saint Michel

N pour NUITS – Je ne vous ai pas raconté le départ ? Je prévoyais le premier jour, un mardi. Je voulais arriver à Saint Nazaire en train le matin et retour du Croisic par le dernier train. 50K.. mais 3 jours avant, je vois une demi-tempête qui s’annonce ! Je commence ce projet par le renoncement, l’affrontement ou le débordement ? Nous sommes samedi soir. J’ai RDV lundi matin à 10h à Lorient. Le premier train au départ du Croisic est autour du 5h de matin le lundi. Alors une première étape de nuit, froide par pleine lune avec un départ le dimanche soir. ça se tente ? Le blablacar est trouvé ! J’ai même un guide local ! GO ! Ce fût une entrée en matière exceptionnelle. J’ai fait pas mal de départs de nuit, de décembre à février, quelques arrivées également. J’ai fait le tronçon que je connaissais le plus autour de Lorient de la même manière. Chaque moment avec quelques lumières, le bruit des vagues fût un moment magique ! Je le savais, je ne vous l’apprends sûrement pas mais ça me plait de le noter ici.
O pour OISEAUX – Y’a des merles, des mésanges et des corneilles comme chez moi mais il y a eu surtout, au bout de quelques étapes, une attention toute particulière de portée à tout ce qui flottait et volait dans ces estuaires. J’ai souvent été chercher l’identification de la volaille. J’étais inculte. Je le suis un peu moins même si en écrivant ces lignes il faut que je retourne dans mes notes pour ne pas écorcher leurs noms : La Bernache Cravant était la rock star de l’hiver. Migratrice, elle vient du grand nord chercher la douceur bretonne. Je me souviens encore de ce vol par dizaines entre Séné et Vannes, magique. Les bécasseaux (Variable et Sanderling) qui marchent à tes côtés en limite vague/sable c’est amusant. La spatule blanche dans les vasières, les foulques dans les étangs salés, les vanneaux huppés, le courlis cendré, le tadorne du Belon au hasard du littoral sont autant d’arrêts dans la marche. Il y a eu bien sûr le cormoran un peu partout mais particulièrement attachant à observer en nidification, sur 20cm en bord de falaise après le Conquet ou au Cap Fréhel… à côté des Guillemots. Les jumelles m’ont permis enfin de voir de beaux plongeons de Fou de Bassan dans les Côtes d’Armor ! Et puis il y a les mouettes et les Goelands. Il y a des variations entre ces derniers.. mais je n’ai pas encore tout compris ! Je suis sur le dossier.


P pour PERFORMANCE ? – Je suis gêné si vous me dites que c’est balèze ce que j’ai fait ou que je suis loin du record d’Erik ! Où placer ce voyage sportif ? Je le dis souvent dans mes interventions coaching. Il y a 2 manières de mesurer la performance. Il y a la manière quantitative. Si on compte le nombre d’étapes, la vitesse horaire disons que je suis ridicule quand je croise Erik Clavery sur le record de son GR34 mais parallèlement gêné d’annoncer à mon hébergeur, le soir, que j’ai fait 50kil en marchant aujourd’hui. Parce qu’après il vous prend pour un zinzin et se sent obligé de vous dire que lui profite de la vie avec des étapes normales de 15 kilomètres. Et puis il y a la version qualitative de la chose, la performance comme une forme d’expression artistique , originale où l’on essaye d’y mettre tout son coeur, qui a du sens et qui mobilise nos compétences juste ce qu’il faut pour être inquiet le matin et satisfait le soir ! Dans cette définition, je peux dire que j’ai fait une performance, ma performance avec ce que je suis aujourd’hui. Je ne cherche donc pas à comparer, à me mettre dans les pas d’un autre, ni à me justifier et encore moins de m’excuser d’être un gros bourrin en pleine forme !
Q pour QUIBERON – C’est le premier cap qui m’a fait penser que je pouvais aller au bout. C’est d’ailleurs à ce moment là que j’ai commencé à mettre quelques mots publics sur les réseaux. J’ai beaucoup aimé ces lieux de bascule où en 10 pas je tournais le dos à tout un paysage dans lequel j’étais immergé depuis des jours. C’était à Penvins (Photo ci-contre) pour quitter les vues du 44 et de la Vilaine, Locmariaquer pour quitter le golfe, Quiberon, La pointe du Raz, la pointe Saint Mathieu, Roscoff, L’Arcouest, le cap Fréhel, le Grouin (Ma première vue sur le Mont Saint Michel). Dans les longueurs de marche au milieu de ces baies, c’était mon point d’accroche. A chaque fois, arrivé sur ces lieux, je me suis retourné 1 minute contempler une dernière fois le paysage traversé comme si je fermais une porte et que j’en ouvrais une autre… A la jumelle, je distinguais parfois déjà la sortie, mais c’était une histoire de jours pour la rejoindre. C’était stimulant. J’ai fait pareil le dernier jour en regagnant la voiture sur le parking du Mont. Je me suis retourné. Un GR 34 dans l’autre sens serait un autre voyage. Les conquêtes seraient différentes.


R pour ROBUSTESSE – C’est mon mot du moment et je l’ai expérimenté sur ce séjour. Je ne voulais pas renoncer sur blessure. J’ai toujours eu ce point de vigilance. La marche m’a surement bien préservé mécaniquement. Etaler 50 jours sur 6 mois ce n’est pas pareil non plus que faire 50 jours non-stop. J’ai accentué ma raideur sur ce séjour, fini des journées avec un dos ou des pieds un peu douloureux mais le matin tout était revenu à la normale. J’ai eu peur en approche de Saint Malo quand j’ai ressenti une inflammation croissante de la patte d’oie sur 2 étapes… mais le retour à la maison et l’intermède de 5 jours à fait du bien. Un épisode COVID a failli décaler la date d’arrivée mais j’ai été agile avec mon agenda 😉 . Je partais sur ce chemin aussi pour me prouver que je pouvais compter encore sur un corps fiable. Je reviens avec cette réponse et pour un coureur qui a 40 ans de pratique et un peu abusé des longues distances, je suis plutôt gâté… Ma mission maintenant est d’utiliser sagement le reste du capital !
S comme SOUVENIRS de course – Ce chemin, par secteur, je l’avais évidemment déjà pratiqué en bon breton que je suis. Un peu en randonnée, un peu à l’entraînement mais ce sont les souvenirs de course qui me sont revenus. Je cherchais à retrouver des repères sur le terrain de cross des Sables Blancs à Plouharnel où je fus champion de France UGSEL, à Ploudalmezeau où j’avais fait mon premier régional de cross en benjamins, à Pospoder en seniors, à Pont l’Abbé ou Ploubazlanec en cadet, à Saint Malo en minimes où j’avais pris une branlée. Puis évidemment les tronçons de trail, le mors aux dents pour la gagne ou le podium sur la côte sauvage de Quiberon, à Clohars pour le BUT, au phare du Minou pour le trail du bout du Monde, à l’Aber Wrac’h, à Saint Jean Du Doigt pour la Thonnerieux, à Pordic, à Binic pour le Glazig. Et puis il y a eu aussi le Hézo où j’ai bâché sous canicule le 80kil du raid du golfe en quête de points pour la diagonale. Ce jour-là, j’ai renoncé à l’ultra trail. C’était en 2018. Tout ça à tourner dans ma tête. Là, je marchais aussi et pas plus vite 😉


T comme TRACES Strava – Il est temps, maintenant que l’on se connait bien, de vous donner une dernière raison à ce projet et vous parler d’une faille système à régler chez moi ! Je n’aurais JAMAIS fait ce tour sans ma montre. Si j’avais oublié mon câble de recharge pour 4 jours, je serais sûrement rentré le chercher ! Il y a une trace entre Paimpol et Saint Quay qui a bugué à l’enregistrement et ça m’a contrarié quelques heures… Ok j’exagère mais pas tant ! J’adore passer des heures sur open-runner faire des circuits. Certains collectionnent les coupes, les médailles, les tee-shirts de finishers, les dossards… moi c’est les traces (Et les cols routiers) ! Alors maintenant quand je regarde cette carte de chaleur et que je vois tout le contour de la Bretagne en rouge et bien ça me met en joie. Longue vie aux serveurs Strava pour ma santé mentale et si vous connaissez un psy spécialisé dans ce type d’addiction ça m’intéresse un peu quand même 🙂 – Et donc toutes les traces sont visibles sur mon strava avec pas mal de photos du voyage.
U comme UNE image – Des images photos, y’en a plein et j’arriverai pas à me décider alors je mets celle ci de bonne facture de la pointe Saint Matthieu. Mais l’image mentale qui me reste si je dois faire un classement c’est ce départ aux aurores de Penthièvre pour filer vers Etel. Il fait froid, c’est la nuit, la plage est longue. il n’y a que le bruit des vagues. La lune se couche dans l’océan. Puis, au loin je vois une forme qui se rapproche. Je me dis rapidement que ce sont certainement les militaires que j’ai vu se préparer, en soirée, la veille, au fort. Cela se précise. Ils avancent en formation très groupée. Une corde d’un diamètre et d’un poids tout à fait respectable les lie avec un espace de 1M pour évoluer. Seul le sous-officier court librement à côté. Il sera le seul à me dire bonjour. Je vois ces gamins, avec leur famas, usés par la fatigue qui rentrent aux forts, petits trots. Sans leur présence, j’aurais gardé un beau souvenir de ce matin là. Leur émergence dans ce paysage a donné ce contraste puissant qui fait que ça reste une image encore plus forte. Je ne cherche même pas à placer des symboliques autour de ça. Je l’ai juste pris dans la tronche, pleine face !


V comme VAGUES – Quand tu es sensible à l’avenir climatique, comme je le suis, ce GR 34 te met un bon rappel que la montée des eaux avec +2 ou 3°C dans quelques décennies peut avoir des conséquences méchantes sur ce littoral. Je ne parle pas du chemin qui se raccourcira un peu en prenant des sections dans les terres.. Je pense aux maisons, communes du littoral qui tiennent aujourd’hui à coup de digues, jetées, cailloux. Mais c’est sans relâche cette lutte. L’effritement est là. Des portions de sentiers qui s’affaissent, des bouts de falaises qui s’effritent, le béton qui se fend. Je pense aussi à la route fermée à Penhors dans le pays Bigouden suite à la dernière tempête. J’ai pas quitté ce chemin le moral dans les chaussettes, car je l’avais déjà un peu sur ce sujet et depuis des années… C’est pas mieux ou pire. C’est encore un constat de posé et qui est visible juste en marchant. On ne peut pas dire ” Qui aurait pu prédire ? ” Les vagues comme la hausse des températures… C’est sensible mais ça gratte, ça gratte sans relâche !
W pour WAGONS – Dans un wagon, début décembre, pour me rendre au Croisic, deux jeunes mamans discutaient.. et j’entendais. L’une d’entre elles racontait qu’elle avait édité, en puzzle, une photo des cousins/cousines et que chaque jour, en guise de calendrier de l’avent, elle le reconstituait avec son enfant. Je me suis marré 10 secondes secrètement dans ma barbe, autour de cette idée, avant de m’apercevoir que j’étais dans ce train pour un peu les mêmes raisons… Mon puzzle à reconstituer pour moi c’était ce Gr 34. J’allais poser la seconde pièce. Et il y a eu 50 à poser ! Y’a pas d’un côté une idée saugrenue et de l’autre ma belle idée. Y’a des idées propres à chacun et le tout c’est de les mener pour ses raisons et de trouver du plaisir à le faire. Mais quand même une photo en puzzle… 🙂


X pour XXL – Si vous êtes ici, vous avez forcément de l’appétence pour le trail et forcément vous cherchez des spots pour vous fendre les cuisses et préparer vos objectifs de montagne. Je vous connais par coeur ! Du coup, pour vous éviter 2100 kils de rando pour les trouver, je balance – 1/ ST Jean du Doigt-Beg en Fry. 7kil qui laissent peu de répit. Certains le font en A/R et plusieurs fois 😉 – 2/ Trépassés-Douarnenez. 40kil sans relâche. Intéressant techniquement – 3/ Morgat-Cap de la Chèvre. Archi connu et rendu un poil plus accessible depuis la tempête de 2023 mais une bonne valeur – 4/Anse de Morieux-Saint Maurice. Une belle découverte – Section courte mais technique à faire sous forme d’A/R – 5/ Porz Donan (pour les escaliers). Allez voir et vous comprendrez !
Y pour YOGA – ou un truc comme ça… Un truc qui me permettrait de combiner l’endurance que j’ai acquise avec des mobilités au quotidien. C’est bien beau de se fader 50k, mais c’est bien moche de se lever de sa chaise en se dépliant prudemment ou mettre ses chaussettes le matin avec précaution et stratégie. Ce périple m’a très clairement fait passé du côté des tiges sèches qui cassent trop facilement dès que l’on veut leur donner une petite courbe… Le yoga c’est comme le GR 34 et la guitare.. ça fait 20 ans que je me dis que ça doit être sympa de s’y investir régulièrement 😉 – Puisque le second est bouclé, y’a p/e juste à reproduire la méthode pour la suite. Je vous tiens au courant…


Z pour ZEN… ZOMBIE – Ouais j’opte pour le second mot ! Vous avez pigé de toute façon que j’étais zen avec cette aventure aboutie. Si vous êtes encore à lire cet article et que vous scrollez de lettres en lettres sur votre smartphone, vous êtes dans le second mot ! Lâchez ça tout de suite… Levez la tête. Regardez les 10 personnes qui vous entourent (ou les 10 prochaines que vous allez croiser). Elles sont comme vous à 7/8 sur 10… sur leur smartphone, les écouteurs vissés à ingurgiter du contenu. C’est criminel ce que j’ai fait avec cet article. J’ai pris de votre temps, j’ai vous ai donné une raison de conserver encore votre temps d’écran sur de hauts plateaux. ça part en sucette cette histoire ! J’ai eu de profonds mal-être sur les quais de gare à observer cela.. Je rangeais systématiquement le mien dans la foulée ne voulant pas être comme ça.. (Mais bien sûr que je le suis). Nous sommes dans une société de zombies. Je regardais avec une réelle admiration ces personnes qui attendaient un livre à la main. Un livre papier hein ! Il y avait parfois des gens qui ne faisaient rien. Ils attendaient juste ! Je veux être de cette caste. J’ai su mettre le portable en mode avion en journée lorsque je marchais mais je l’ai dégainé 40 fois pour prendre des plages, des monuments pris des milliers de fois. Non ! Non ! Ma quête se poursuit, c’est un positionnement politique… mais elle sera de plus dure à assumer de jours en jours. Marcher dehors sur un chemin et pas sur un tapis de course. Voir un paysage de ses propres yeux et pas en image de synthèse. Entendre le bruit de la nature et pas une musique de motivation. Ressentir son effort et ne pas écouter sa montre qui vous dit que vous avez fait votre objectif de la journée au bout de 5 kil. Avoir les pieds dans la vase, tes tiques à virer, de la crème solaire à appliquer et des troncs séculaires à caresser avec vos doigts qui n’en peuvent plus de scroller. Puis revenir sans rien : ni photos, ni trace STRAVA… ouais je vous dis, ça va être dur ! MERCI