J’avais envie, ici, de retracer sous forme d’abécédaire, mon tour de Bretagne, proche de la mer, par le GR 34, sur le sentier des douaniers, réalisé en 50 étapes de Saint Nazaire au Mont Saint Michel entre le 17 novembre 2024 et le 29 mai 2025 ! Let’s go !

A comme ALIBI. Il a bon dos ce GR 34, tout prêt de la maison, long, sportif, encore à découvrir pour se lancer dans l’aventure. Je n’y avais jamais pensé avant le mois d’octobre 2024. Puis en grattant des cartes, et me tournant les pouces, il est venue cette idée de faire ce tour. C’était trop long pour le faire en non-stop ! Alors par étapes ? Mais à quelle échéance ? Puis, est arrivée cette date du 29 mai 2025 où j’allais devenir quinqua. C’était un beau finish, une belle manière de marquer le passage… surtout au Mont Saint Michel. Alors je décide de le faire dans le sens horaire. Je l’avais mon alibi ! Départ de Saint Nazaire. Je me laisse 3 semaines pour faire mijoter l’idée en moi, j’en parle peu. Et je me lance le dimanche 17 novembre à 20h30… car j’ai une envie folle d’être dehors, de repartir sur les chemins, d’à nouveau m’éprouver physiquement. Une seule peur ! Ne pas achever le projet alors je démarre en catimini.
B comme BAS CARBONE – Ce fût le second déclencheur pour partir. Pouvais-je réaliser ce tour sans amener la voiture plus loin que la gare de Lorient ? (25kil de chez moi). Cela nécessitait de calculer ses entrées/sorties sur le chemin, de bien étudier les possibilités de train, bus, co-voiturage mais ça semblait être possible ! Et ce le fût dans la réalité. Ce fût le voyage dans le voyage et il m’a fait passer un palier de détox au tout bagnole ! J’avais le sentiment de ne pas faire trop de la m… pour assouvir mes loisirs. La première expérience m’a mis tout de suite dans l’ambiance avec un co-voit’ vers Saint Nazaire dans la voiture d’un étudiant qui m’appelait monsieur… (Bon en même temps j’allais fêter mes 50 berges). C’était une première avec Blablacar. Oui je suis boomer ;-). Puis ensuite, il ya eu des trains très tôt , des correspondances trains/bus improbables à la gare de Quimper ou Brest . Je pense aussi au bus des lycéens à 6H30 à Beg Meil un mardi matin ou celui des collégiens vers Paimpol. Je n’ai utilisé qu’une fois la voiture pour monter vers Lézardrieux. Et ce jour-là, le stop a fini de me poser sur le chemin. Notre région offre en réalité une possibilité incroyable de liaisons. Merci TER, SNCF et BreizhGO.


C comme COTIER – Le GR 34 est le sentier de randonnée qui longe la côte bretonne. Ce fût mon fil d’ariane pendant tout ce voyage mais je n’avais pas de nécessité à le suivre à la lettre. Alors parfois, j’avais plaisir à couper par des plages, des grèves à marée basse. J’ai aussi détourner la trace pour longer la mer encore plus longtemps vers la pointe de Gâvres ou encore aller explorer la pointe de Daoulas et Plougastel. Ce fût deux jours formidables à longer au plus près cette rade de Brest. Ce sont aussi des moments d’affranchissement où le territoire se traverse comme on l’entend. Et puis il y a eu les coupes que j’aurais aimé faire quand à l’entrée d’un aber, on voit notre destination à 500m mais que cela nécessite 15kils de marche (Marais salants, Tour du golfe du Morbihan (Plus de 150K), Laïta, Belon, Aven, Wrac’h, Benoit). C’était l’hiver. Les bacs n’étaient pas fonctionnels. Alors je me lançais dans ces longs moments d’abnégation. Ne pas penser à l’arrivée mais profiter et ouvrir les yeux sur l’instant. Ce ne sont pas des rallonges. C’est prévu dans les kilomètres de ce GR alors il faut s’y coller. Et lorsque le front de mer revenait, je retrouvais une énergie nouvelle. Dans tous les cas, merci à la FFRP et les collectivités d’offrir à un aménagement si précieux sur tout ces kilomètres. J’aime le service public !
D comme 2100 kilomètres – C’était annoncé, ils sont bien là même avec mes aménagements. Sur le papier, on ne se représente pas bien. Dans les faits, c’est long et ça demande de la constance, je vous assure ! Je croise la photo ci-contre, dans le golfe du Morbihan. J’ai 300 kilomètres depuis Saint Nazaire. Je mesure alors que je m’engage sur ce GR 34 dans un voyage plus long qu’aller à la pointe de l’Espagne en partant de Vannes. Pourtant le Mont Saint Michel à vol d’oiseau semble plus accessible que St Jacques de Compostelle. Mais cette côte bretonne est découpée. Ce GR est une pelote de laine .Quand on déroule le fil, c’est très long. La seconde fois où je mesure la portée de ces kilomètres c’est sur le pont à l’entrée de Brest. Celui par où les ultras cyclistes rentrent et sortent pour leur Paris Brest Paris. J’estime cette course au plus haut point et elle me fait peur : 1200 kilomètres à vélo ! Pourtant sur ce pont, je viens de faire l’équivalent depuis Saint Nazaire. Et il me reste 900kil à faire ! L’explication de l’évolution de l’homme à travers les âges par sa bipédie s’illustre en moi ! Oui, debout sur nos deux jambes, nous pouvons mener de belles choses que notre cerveau ne conceptualise plus, enfermé dans le dogme du temps et de de la vitesse. Mais émancipé de ces deux injonctions, nous pouvons aller loin. Je repartirai avec ça de ce voyage.


E comme EVOLUTION – Quand je décline le projet au fil des semaines à de plus en plus de personnes, il y a toujours la même question qui tombe : Mais tu cours ? Et moi, gêné aux entournures, je justifie mon choix de la marche pour faire ce tour. On ne se défait pas d’une étiquette de traileur si facilement. Je ne me la décolle pas non plus aisément. J’ai toujours ce sparadrap collé dans ma tête. J’ai démarré ce voyage en courant toutes les sections bitumées. Personne ne me l’obligeait mais j’avais inscrit ça dans mon règlement intérieur. Pour avancer à 6kil/h, parce que c’est ch.. de marcher, parce que j’avais de grosses étapes à faire. Mais c’était pénible de courir avec ce gros sac, alterner entre coup de transpiration et remettre la doudoune pour marcher. J’ai même eu l’idée au départ de me mettre des étapes de 75 kilomètres. J’ai couru sur une plage pour essayer d’attraper le bus de 13h20 à Guisseny au lieu de celui de 15h30 pour arriver à la même heure chez moi… Mais dans toutes ces situations, j’ai su arrêter les conneries. J’ai cessé de courir dans le Finistère, j’ai accepté ( Pris goût ) à passer presque 10h sur le chemin avec la possibilité d’avoir 1h de plus. J’ai chargé des grosses jumelles d’ornitho dès Vannes et j’ai kiffé mes pique-niques sur les rochers ! Alors ouais je suis devenu un randonneur et je vous emmerde ;-))) – Mais je me sens obligé de vous dire que j’ai grave la caisse pour courir juste en faisant de la marche.. Ahhh ce sparadrap !
F comme de FEUILLE DE ROUTE – Au final, cela a donné quoi en stats ? J’ai avalé 2115 kils avec mes variantes perso. Il y a 26500m D+ . Mon étape la plus longue a été de 56 kilomètres (Y’en a 3 ou 4) – La plus accidentée vers Douarnenez depuis la baie des Trépassés. (1630 D+) – Au final, ça fait un périple avec une moyenne d’un marathon et 530D+ par étape.
Je vous ai mis dans ma feuille de route, mes moyens de transports pour accéder aux points du parcours sachant que je partais le plus souvent de la gare de Lorient et quelque fois d’Hennebont ou Pontivy (Bus Pontivy-Saint Brieuc).
Je me logeais en Air’bnb. Cela me fait un budget final autour de 3000 euros (transport, hébergement, bouffe) pour ces 50 jours.
Et pour faire tout cela, j’ai mis 386 heures (5,5kil/h de moyenne).


G comme GUERRE – C’est un sentier qui te rappelle la tendance belliqueuse de l’homme à travers les temps. Blockhaus, arsenal, fort, citadelles, remparts, mémorial… Ile longue ! J’ai souvent mesuré le côté précieux de vivre dans cette époque ( cette fenêtre ?) d’apaisement. Profondément marqué aussi par nos restrictions COVID, je place aujourd’hui ces moments dehors avec la possibilité d’évoluer à notre guise presque au dessus de tout. Je n’ai pas lu beaucoup sur ce sentier mais j’ai réussi à finir “Une vie à coucher dehors” de Tesson. Je me loge toujours au chaud le soir, mais une vie dehors, ah ouais ça me parle. Et puis ma vie perso de ces dernières années me fait dire que les choses que l’on imagine faire plus tard (A la retraite ?), il ne faut pas trop attendre et les poser quand il y a une fenêtre… Le rapport avec la guerre ? Prenons du beau tant qu’il est encore temps !
H comme HORIZONS – La mer à ma gauche tout du long. Parfois des points de vues sur des iles, des phares, un bateau, un parc éolien.. et parfois rien ! juste des vagues, le ciel qui se confond avec l’océan. C’est une lapalissade de dire que la marche éveille les 5 sens mais à la fin au final ce n’est que ça ce voyage. Voir, sentir, entendre, frôler la végétation des mains (J’adore faire çà). Goûter au sens figuré à l’ennui, la lassitude, au silence. L’horizon te fait dire qu’il y a aussi d’autres points à rejoindre, d’autres directions à prendre, d’autres défis à relever. Je n’avais pas toucher le Mont Saint Michel que l’on me demandait mon prochain défi. Je suis sec aujourd’hui en idées de cette valeur. Je me méfie de la surenchère après ça. Je suis partagé entre le désir de continuer à traverser les paysages, filer vers l’horizon ou m’inscrire dans un lieu et regarder chaque matin le soleil se lever dessus au fil des saisons. J’ai repéré pleins de spots pour juste me cacher et observer les oiseaux quelques heures… Ma réponse du coup pour les futurs projets ? D’abord savourer celui-là !


I comme INTROSPECTION – L’envie de partir était forte. J’imaginais aussi ce voyage comme un périple pour refaire le point, m’apaiser. Puisqu’une thérapie en cabinet ne semblait pas faire son effet, j’ai choisi un parcours de soins bis ! J’avais des souvenirs de longue marche en mode idées fixes, où j’essayais de trouver des solutions. J’avais une capacité d’élaboration étonnante. Mais ici, l’opération ne s’est pas réalisée. Mon esprit s’est baladé entre le passé, le présent, le futur sans jamais faire une erreur404. Il a rendu visite à pas mal de gens mais au final, au Mont Saint michel, il n’y aura ni évolution, révolution, résolution… Ce GR34 m’a juste permis de reprendre de la confiance en moi et me dire que je suivais une voie pas si déconnante que ça ! Mon corps m’a dit qu’il était ok pour me suivre encore sur des défis comme ça mais à condition de ne pas mettre 4 épingles sur son ventre. J’ai définitivement basculé dans le pacifisme sportif et c’est bien ! – Par contre je ne renonce pas à vous en faire baver 😉
J comme JOIE – Faire sans rien attendre des autres mais leur laisser la possibilité de le faire avec vous. J’ai alterné entre de longs moments de solitudes et de belles journées à refaire le monde, rigoler, et boire (un peu, beaucoup) en belle compagnie. Tous aguerris du trail, ils sont venus la fleur au fusil en disant qu’il allait marcher à la cool avec un vieux et qu’ils avaient large le physique. Ils sont tous repartis raides comme des bouts de bois et ça c’était un bon moment en soi 😉 . J’ai aussi observé l’effet de ce chemin sur chacun d’entre eux. Emerveillés par les paysages, satisfaits de s’offrir ce temps d’école buissonnière dans un quotidien speed. Sur une vitrine à Saint Malo, il y avait cette citation : le vrai bonheur côute peu ! Je ne sais pas si c’était une stratégie marketing pour rentrer dans la boutique mais j’suis assez d’accord ! J’étais quand même très heureux de ne pas arriver tout seul au mont Saint Michel au milieu de milliers de touristes. Merci les amis !


K comme KALEIDOSCOPE – Hey Chris, c’est quoi ton étape préférée ? J’en peux plus de cette question ! – J’ai pensé faire un top five mais même là, j’suis sec… Et en fait, si je donne une réponse à ça, vous aller faire 2% du parcours pour faire le meilleur du meilleur en courant-douché pour midi… Alors non ! Y’a pas une étape qui sort du lot. Y’a 2 ou 3 un peu longuettes.. mais même celle là je ne vous les donnerai pas ! Ce GR est fait de petits bouts magiques cueillis comme ça un petit peu partout quelque soit la météo, le profil de l’étape. Pour les traileurs, une étape plate c’est la loose. J’ai adoré le Nord Finistère tout plat de plages en plages avec un bordel de caillloux dans la mer.. J’ai aimé une escalade de falaises au Pouliguen, un café avec ma fille à Arradon un lendemain de Noël, un matin froid à Carnac, marcher sur la longue plage de la Torche, traverser Douarnenez lendemain de Carnaval, arriver sur le pont de Brest, voir un dauphin pendant 2 secondes etc… Si je recommence demain, je refais un nouveau voyage. Tout est mouvant sur ce chemin !
L comme LENTEUR – Seconde lapalissade – La marche t’apprend la lenteur et donc la patience ! Bon ok, j’ai bien compris le concept dans les marais avant la Tour du Parc ou après le Croisic. Ce que j’ai aimé surtout autour de cette idée, c’est déposer petit à petit des pièces au fil des semaines sans jamais penser à la fin. Le nombre de 50 étapes a pris jour qu’au bout de quelques semaines. J’y ai vu une beau clin d’oeil mais ce n’était pas une fin en soi. Je planifiais mes étapes et ma logistique de semaine en semaine. Je faisais les résas 2/3 jours avant un départ. J’ai pas tant planifié que ça même si vous êtes vachement impressionnés par le projet ;-)) ! Y’a 10 ans j’aurais eu, avant même le départ, un projet en power point de 15 slides, 5 partenaires sur le coup, une cause à défendre, 3 vidéos de teasing et puis un record en moonwalk entre 2 plages chaque jour. Des projets comme ça j’en ai 2/3 sur des CD-ROM. (Je vous ai dit que c’était y’a 10 ans). Je ne suis jamais parti. Il faut avoir les épaules pour assumer ça… Je ne suis pas de cette trempe ! Peu le sont en réalité… Là, j’ai pris le sac en en disant le moins possible au moins de monde possible. Puis en prenant de la confiance, j’ai commencé à communiquer un peu plus. Je me suis perdu pas mal d’années, dans pas mal de domaines, à élaborer plus qu’à faire, à rêver du projet parfait, de la prépa parfaite, de la stratégie parfaite. Dans notre monde d’ultra communication, on perd le fil je trouve ! Faire puis parler et pas l’inverse. Je repars avec cela définitivement ! Je garde le partage comme dernière mission quand tout est fait. Le rapport avec la Lenteur ? Aucun ;-))


M comme METEO – Il n’y a pas de mauvaise météo mais de mauvais habits.. C’est çà ? Bon, j’ai eu quand même de belles fenêtres et très peu de plans galères. Du gris, oui ! Du vent, oui ! Du froid, oui ! Mais de la pluie .. très peu ! Et du soleil ? Overdose… J’ai bien pris la tempête Herminia dans la tête le 26 janvier pour aller à Kerfany mais c’était choisi. C’était mon seul créneau pour boucler le mois et les 4 jours suivants étaient bien. Enfin 3 jours. J’ai renoncé le 29 à Beg Meil, à rejoindre Pont l’Abbé sous une journée de pluie. Mais sinon c’était vraiment facile. Le choix de partir l’hiver était assumé et je ne le regrette pas. Des stations balnéaires vides, seul sur le côtier, des plages où il n’y a personne. Un sentiment d’être dans une aventure un peu plus roots !
Si vous êtes encore là, merci. Cela semble vous plaire. J’ai fait une seconde partie jusqu’à Y pour YOGA et Z pour ZEN ! Intrigant n’est-ce pas ?
